Dans la continuité de notre papier sur la prospective territoriale, la question de la priorisation des politiques publiques et de leur mise en œuvre dans le temps apparaît centrale dans la vie des Départements qui gèrent des équilibres dynamiques depuis plus de deux cents ans.
Face à « l’urgence climatique » qui emplit le débat public, un mouvement impulsé par l’Union européenne via le Pacte vert et relayé en France par le regain de « la planification écologique » se déploie. Il va toucher l’ensemble des départements. Quel est le sens de l’action à entreprendre ? Veut-on adresser le développement durable au sens des 17 Objectifs de développement durable (ODD) poussés par l’ONU ? Doit-on traiter l’ensemble des questions écologiques : climat, eau, pollution de l’air, déchets, biodiversité ? Pour le seul enjeu climatique, comment aborder lutte contre les émissions de gaz à effet de serre (GES), forcément sur le long terme , ET adaptation, qui appelle à l’évidence une réaction immédiate ?
Au-delà de l’approche scientifique et technique du sujet, se cachent des philosophies politiques différentes. Une stricte politique environnementale et spécialement de réduction des émissions de GES peut conduire à une forme d’effacement des activités humaines si l’on n’y prend garde. La poursuite d’un développement durable met au contraire l’accent sur la conservation d’un équilibre entre l’Humanité et la Nature. Pour des collectivités territoriales comme les Départements ayant un large spectre de compétences touchant à l’environnement , au social, à l’éducatif et au culturel, mais aussi, implicitement au développement économique équilibré des territoires, une vision large des enjeux est sans doute préférable. En termes d’organisation, l’administration départementale a toutefois intérêt à réguler ses émissions et consommations de dans une logique de type RSO (responsabilité sociétale des organisations pendant de la RSE).
La pression croissante en faveur d’une nouvelle budgétisation des dépenses locales et le modèle du « budget vert » qui s’étend interroge sur le but de l’exercice à conduire. S’il ne s’agit que d’une forme de prise de conscience des incidences environnementales des politiques publiques territoriales, pourquoi pas mais, à terme, un « budget vert » ne conduira-t-il pas à arbitrer des dépenses ? Ne faudrait-il pas mieux alors avoir toutes les données financières de l’équation départementales en main pour bien affecter les moyens comptés de la collectivité ?
Attention à ne pas s’enfermer dans la pensée unique du « tout bas carbone » car l’urgence, à court terme, c’est l’adaptation ; la lutte contre les dérèglements climatiques sera longue ; la gestion de l’eau, des déchets, demeurent essentielle ; nos concitoyens sont également très sensibles à d’autres urgences que sont la lutte contre la pauvreté (ODD1), une alimentation abordable (ODD2), des soins accessibles (ODD3) ou l’éducation (ODD4). « Quand il est urgent, il est déjà trop tard » écrivait Talleyrand. Ne nous démunissons pas de nos vraies richesses : les urgences de demain ne sont pas toujours celles qu’on perçoit aujourd’hui.
Quand il est urgent, il est déjà trop tard – Talleyrand
La prospective et la programmation budgétaire se rejoignent dans l’art de voir large et loin, notamment dans les territoires, spécialement dans les Départements de la Constituante.