Notre système de santé doit s’adapter à un effet ciseau : une demande de santé en hausse et une offre de soins en baisse.
Une demande de santé en hausse
Grand défi du XXème siècle, les maladies infectieuses sont aujourd’hui moins meurtrières, même si l’histoire nous enseigne que la probabilité d’une épidémie mondiale catastrophique reste forte au XXIème siècle. Si l’on écarte cette épée de Damoclès sanitaire totalement imprévisible, les maladies du XXIème siècle seront chroniques et non transmissibles. Même si la Covid‑19 est une épidémie virale sans précédent, par ses enjeux sanitaires, politiques, sociétaux et économiques et par son développement médiatique, n’oublions pas que les maladies chroniques représentent plus de 70 % des décès dans le monde.
La demande de santé est donc croissante en raison de phénomènes sanitaires, sociaux et populationnels : des maladies chroniques liées au vieillissement et de nombreuses maladies dégénératives chroniques, des Français plus nombreux, plus âgés et polypathologiques, un mouvement d’urbanisation qui s’observe depuis la Seconde Guerre mondiale se poursuit. En contrepartie, de plus en plus de territoires seront délaissés.
Le vieillissement de la population et la chronicisation des pathologies engendrent une augmentation drastique du nombre de patients tout en nécessitant individuellement un temps médical accru dans le contexte d’un recours aux soins plus important qu’auparavant.
Une offre de soins en baisse
Les variations de la démographie médicale sont en partie dépendantes de celles du numerus clausus à l’entrée des études médicales. Mais, pour autant, y’a-t-il vraiment de moins en moins de médecins en France ? En 2018, près de 227 000 médecins sont en activité (45% de médecins généralistes et 55% de spécialistes), soit 10 000 de plus sur 5 ans. Toutefois, cette croissance du nombre de médecins sur la période est à nuancer. En effet, le nombre de spécialistes, qu’ils soient libéraux ou salariés, a effectivement augmenté (respectivement de + 2,4 % et + 13,9 %). Mais, dans le même temps, le nombre de généralistes libéraux a, lui, légèrement diminué (– 2 %).
En fait, ce manque de médecins est principalement dû à des disparités entre territoires qui n’ont jamais été aussi fortes : les effectifs de médecins n’ont cessé de diminuer dans les territoires les moins pourvus et ont continué d’augmenter dans ceux dont la densité médicale dépassait déjà la moyenne nationale.
Cette disparité territoriale est liée en partie à de nouvelles tendances dans le mode d’exercice : un exercice groupé et salariat, une profession qui se féminise, une utilisation non optimale des ressources médicales rares,…
Enfin, l’attractivité d’un territoire et la qualité de vie sont des critères de choix importants pour les professionnels de santé, en particulier les jeunes médecins. Rares sont les métiers de sacerdoce ou de sacrifice qui résistent à ces transformations de la société dans laquelle la vie ne se résume plus à une activité professionnelle.
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Toutes ces tendances démographiques, sociétales et fonctionnelles contribuent à réduire le temps médical moyen disponible (temps consacré par le praticien à sa patientèle) et vont dans le sens inverse de la demande croissante de soins.
Cet « effet ciseau » remet en cause le principe d’égalité d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire et interroge à la fois les raisons ayant conduit à cette situation et les politiques de santé à mettre en œuvre pour lutter contre de telles inégalités.
L’Etat certes, mais aussi les représentants des professions médicales et les collectivités ont leur part de responsabilité.