Après les Dialogues de Bercy auxquels les membre du bureau des commissions des finances du Sénat et de l’Assemblée Nationale ont été associés, le Gouvernement a présenté son projet de loi de finances (PLF) et son projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Nous allons maintenant en débattre au Parlement et le Sénat se prononcera après l’avoir amendé sur le texte final en décembre prochain.
Cette année le cycle budgétaire prend une tournure particulière du fait de la majorité relative dont dispose le Gouvernement à l’Assemblée Nationale. Si la volonté de trouver des accords pour permettre l’adoption d’un texte équilibré et ambitieux est partagée au niveau du Gouvernement comme du Sénat, et sans doute pour partie à l’Assemblée, le chemin demeure étroit, avec deux bornes très claires : celle d’une majorité en Commission Mixte Paritaire (CMP) possible qu’avec les représentants de la majorité sénatoriale d’une part, et d’autre part celle de l’article 49-3 que le Gouvernement peut mobiliser pour faire adopter son budget sans vote. Si cette issue n’est pas souhaitable dans le contexte politique actuel qui nécessite plus que jamais dialogue, responsabilité et exigence, elle repose sur la nécessité constitutionnelle de permettre in fine à notre pays de disposer des moyens de fonctionner, et cela est nécessaire.
1) La sincérité du cadre macro-économique dans lequel s’inscrit le budget de la nation (niveau d’inflation, taux de croissance…) et le respect d’une trajectoire de baisse du déficit public (qui doit être inférieur à 5% du PIB) pour amorcer notre désendettement par la baisse de la dépense publique. Le risque de récession est fort, nous ne devons pas l’ignorer.
2) Une évolution différenciée de nos dépenses publiques dont le volume global doit décroître. Outre la santé qui doit faire l’objet d’un effort particulier, ainsi que les crédits d’investissements en général, le maintien des moyens en faveur des collectivités territoriales, avec une prise en compte plus forte de la réalité de leurs ressources comme de celle de leurs charges indépendamment de leur population, constituent mes trois priorités. De nombreuses économies sont possibles dans les budgets des autres ministères en privilégiant toujours la production d’un service public et en limitant drastiquement les moyens de l’administration administrante. La seule possibilité de simplifier et de limiter le nombre de ceux qui administrent et contrôlent.
3) Notre dépense sociale doit être encadrée et limitée pour être juste, efficace et soutenable. C’est ainsi que la chasse à la fraude sociale (comme à la fraude fiscale), par exemple grâce à la carte Vitale biométrique, doit être encouragée, que les revenus de substitution doivent être recentrés et limités, que la durée de cotisation retraite doit être augmentée. Par ailleurs, il importe d’engager enfin le chantier de la dépendance.
4)Des mesures structurelles doivent être prises en faveur de notre souveraineté, de la lutte contre l’inflation et d’une transition écologique soutenable. Nous n’avons plus les moyens de faire des chèques en revanche nous avons l’obligation de proposer des réponses structurelles : prix pivot et universel des carburants (autour de 1,5€ le litre), réforme du tarif européen de l’électricité, effort en faveur du nucléaire, application du tarif réglementé aux collectivités, fin des importations de produits alimentaires ne respectant pas nos normes sociales et environnementales, amélioration de la performance énergétique de nos bâtiments, soutien aux mobilités alternatives, protection du marché européen plutôt que dogme de la libre concurrence intérieure… La trajectoire de la transition écologique doit être revue pour être soutenable.
5) Une réforme fiscale à amorcer pour permettre la soutenabilité de notre système et son équité, qui passe par une baisse des taux de prélèvement pour un meilleur rendement. A ce titre, il convient de privilégier des taux limités appliqués à une assiette large : TVA, CSG…, d’opérer le transfert du financement de notre protection sociale du travail vers la consommation, de limiter drastiquement les niches fiscales et de rééquilibrer la fiscalité locale pour en assurer une juste répartition via une péréquation nationale accrue. La défiscalisation des heures supplémentaires comme des titres fléchés (titre restaurant par exemple) doit être facilitée. Si la suppression de la CVAE, avec la juste compensation aux collectivités, doit être saluée, elle ne peut constituer la seule ambition fiscale du quinquennat.
Voilà quelques pistes, qui passent aussi bien sûr par des décisions européennes et qui s’inscrivent dans la durée du quinquennat, susceptibles de redonner confiance. Il y faut le courage de l’action et la vérité du diagnostic comme des orientations.
Cette construction budgétaire s’inscrit en miroir avec nos exigences de services publics sur nos territoires : santé, éducation, sécurité, mais aussi de différenciation pour la prise en compte des deux questions majeures que sont l’eau et l’urbanisme (ZAN), mais encore des investissements en faveur des infrastructures dont nous avons besoin. Avançant par ailleurs dans le même calendrier sur l’examen de plusieurs PPL relatives à ces sujets, le Sénat s’attachera à veiller à la cohérence entre les moyens budgétaires et la réglementation, en particulier au service de la ruralité.
Départementalement vôtre.
Stéphane Sautarel