Depuis le milieu des années 2000, le marketing territorial a trouvé toute sa place dans les pratiques publiques, d’abord pour le développement économique, puis pour bien d’autres secteurs. Pour autant, il est une question fondamentale souvent mise de côté : pourquoi se lancer dans une telle démarche ?
Pour tous les agents de la fonction publique, avec le temps, de plus en plus de nouvelles bases théoriques et de nouveaux outils ont été intégrés. Et depuis l’apparition du numérique dans nos vies professionnelles, nous avons été contraints d’apprendre sans cesse, d’abord à exploiter des machines, des logiciels, des périphériques, des clouds, etc. Mais, désormais, c’est l’ingénierie analytique qui devrait préoccuper les territoires, avec la gestion et l’exploitation d’innombrables « données ». Et cela va bien au-delà de la seule maîtrise d’internet et des réseaux sociaux. Il s’agirait, désormais, d’intégrer dans les équipes publiques des data scientist, en somme des professionnels de l’exploitation et de l’analyse des données. Autrement dit, le « data mining ».
Le site ia-data-analytics.fr le définit ainsi : « Le data mining, appelé également exploration ou fouille de données en français, est le fait d’analyser des données sous le prisme de différentes perspectives afin de transformer ces données en informations utiles […] Ces données ainsi transformées servent ensuite aux entreprises à améliorer leur fonctionnement, de manière à réduire les coûts ou bien augmenter leur chiffre d’affaires. Ces informations issues du data mining servent également aux services marketing et relation client, qui sont ainsi à même de comprendre leur clientèle pour établir de meilleures stratégies […] ». Et si le secteur public tâchait de ne pas être trop en retard ?
Vous avez dit « data scientist » ?
Un « data scientist », est donc un spécialiste des problèmes analytiques complexes, de la science des données, « un vaste champ multi-disciplinaire visant à donner du sens aux données brutes » précise le site datascientest.com.
Il a pour mission le traitement, l’analyse et la valorisation des données massives. « Après les avoir analysées rigoureusement de façon à établir une stratégie organisationnelle et opérationnelle pour son entreprise, il en tire des solutions marketing, commerciales, de fidélisation clientèle ou encore de valorisation de l’image de marque » écrit le site e-marketing.fr.
Pour lebigdata.fr, la compétence du data scientist permet « d’explorer et d’analyser les données brutes pour les transformer en informations précieuses permettant de résoudre les problèmes de l’entreprise ». En somme, « en plongeant dans ces informations à un niveau granulaire, [il] peut découvrir et comprendre des tendances et des comportements complexes. Il s’agit de faire remonter à la surface des informations pouvant aider les entreprises à prendre des décisions plus intelligentes ».
Intéressez-vous aux datas, car elles s’intéressent déjà vous !
Vous trouvez cela un rien complexe ? Cela prouve bien que vous avez tout intérêt à vous intéresser à ce sujet, parce que lui s’intéresse déjà à vous ! D’ailleurs, pour ne citer que cela, toutes celles et tous ceux qui ont côtoyé la notion d’attractivité ont forcément été démarchés par des start-up vendant des solutions « miracles » de compilation de données sur leur territoire, de toutes sortes et de toutes provenances, et se disant aptes à établir des comparaisons avec des concurrents. Mais les collectivités ne pourraient-elles pas le faire elles-mêmes si elles possédaient les ressources internes ?
Parlons des classements des territoires. Qui, après avoir savouré les bons résultats de son territoire – ou au contraire avoir maudit les organisateurs en cas de déception dans le rang obtenu – a vraiment pris le temps d’aller regardé les critères retenus ? Quand villesetvillagesouilfaitbonvivre.com publie ses résultats annuels et annonce que 187 critères ont été pris en compte, qui a pris le temps de les regarder de près ? Et qui, lorsque plusieurs éditeurs différents publient des classements sur des thématiques identiques, a été fouiller dans les critères afin de comprendre pourquoi, pour l’un, le territoire est bien classé et pourquoi, pour un autre, le territoire tombe en fin de liste ? Qui a été examiner les chiffres publiés sur votre commune dans le site DataFrance, par exemple, et a tenter de prendre contact avec lui pour mettre à jour ou rectifier ces données?
Mais, évidemment, la difficulté ne réside pas tant dans le fait d’aller chercher des chiffres. Elle réside plus quant à leur analyse, leur mise en perspective et les éventuelles prises de décision à décider alors. Pour le dire plus directement, nous avons en principe accès à un nombre impressionnant de données, notamment avec l’open data, qui pourraient être utiles pour orienter les politiques publiques, voire les évaluer, ou fonder, notamment, un argumentaire d’attractivité.
La science des données, quelque chose de bien trop important pour le laisser aux seules mains des informaticiens.
Depuis plusieurs années les start-up les plus solides mettent en avant un développement fondé sur des faits et des chiffres, pas sur des intuitions, je parle du Growth Hacking. Qui s’en inspire dans le secteur public ? Et qui a lu le rapport de la mission Bothorel « Pour une politique publique de la donnée » présenté en décembre 2020 au Premier Ministre ? Les DSI peut-être, mais quid des autres services ?
Qui a pris le temps d’aller se promener sur le site opendatafrance.net et ses sources de données ou sur data.gouv.fr et toutes ses thématiques, sans parler même de l’INSEE et de ses nombreuses études chiffrées et commentées ? Et qui s’est amusé à croiser des résultats ? Un certain nombre d’opérateurs proposent des études sur les flux de déplacement (par exemple Flux vision chez Orange). Qui a déjà utilisé ce type d’études pour revoir un plan de déplacement, un jalonnement, un réseau de pistes cyclables ou de transport en commun ou un circuit touristique ? Qui est sorti de la croyance « il faut parler de tout, à tout le monde » pour envisager des « persona » que l’on pourrait segmenter suivant leurs centres d’intérêts, leurs comportements et leurs caractéristiques propres ?
En conclusion, nous avons passé des décennies à nous plaindre de manquer d’éléments de connaissances de nos publics ou de nos prospects. Cette fois, ces outils sont à portée de main. Si ce n’est que c’est désormais un vrai métier que d’apprendre à s’y retrouver et à les mettre au service de notre prospective professionnelle. Ainsi, ce nouveau champ de compétence semble indispensable à investir. Certes, quelques collectivités se sont lancées dans cette aventure, notamment pour les gestion de risques ou pour leur SIG. Mais quid des autres secteurs des institutions locales ?