Celui qui est tombé sous le charme de Charles Pasqua en 1993 lors de sa venue à Dreux a su à cet instant qu’il voulait faire de la politique et diriger une collectivité. C’est aujourd’hui le cas et il nous explique dans notre interview sa vision pour l’Eure-et-Loir.
Comment entendez-vous exercer votre mandat de Président du Département ?
Je suis un élu très attaché au terrain. J’ai visité, depuis mon élection comme Président du Conseil départemental, plus de la moitié des 373 communes du département et parcouru plus de 50.000 kilomètres. C’est très important pour moi et c’est ainsi que j’entends exercer mon mandat de Président. Cela permet d’avoir un contact direct avec les différents élus, d’échanger sur leurs projets et ainsi de pouvoir utilement les
conseiller et les aider. Si l’on ne souhaite pas que les électeurs se détournent des bureaux de vote, il faut qu’ils puissent comprendre que nous pouvons être utiles. C’est aussi une des raisons pour lesquelles je souhaite visiter régulièrement chaque commune de notre département. L’équité territoriale est mon principal leitmotiv. Équité ne veut pas dire égalité.
Cela signifie que nous devons tous avancer ensemble au même rythme. Je n’opposerai jamais les villes aux campagnes, ni le monde urbain au monde rural. Sans le monde rural, le monde urbain étouffe. Sans le monde urbain, le monde rural se désertifie. L’argent gagné sur les zones d’activités urbaines bénéficie aux zones rurales et à la vie dans nos campagnes. Des Euréliens travaillent sur Chartres ou Dreux mais habitent à 20 ou 30 kilomètres dans notre département. Ces actifs qui s’implantent à la campagne amènent du pouvoir d’achat, de la consommation dans nos villages, et des enfants qui occuperont nos écoles.
Mon job consiste à veiller à cet équilibre et à cette équité !
Un territoire en déshérence mérite davantage notre concours. J’ai donc une attention particulière pour le sud du département qui a connu de grosses difficultés, notamment à Châteaudun avec la fermeture à 20 ans d’écart des deux terrains militaires et la désindustrialisation. Quand on se retrousse les manches, on obtient de beaux résultats, comme Vorwerk (Thermomix) qui vient construire une seconde usine à Châteaudun avec 480 emplois à la clé actuellement et 74 seront créées avec la future usine à Donnemain-Saint-Mamès.
Vous avez commandé une étude intitulée « Eure-et-Loir 2040 ». Elle est actuellement en cours de réalisation. Qu’en attendez-vous ?
Tout d’abord, je tiens à rappeler que je ne méconnais pas notre département où je suis élu local depuis 2001. J’ai intégré le département en 2015 comme Conseiller départemental. Je connais aussi les enjeux de notre territoire, et les écueils à éviter.
La philosophie de cette démarche consiste à relever la tête du guidon, pour faire les bons choix pour notre territoire mais aussi à imaginer notre futur, en rêvant de l’Eure-et-Loir que nous voudrions pour 2040 ! Cette démarche de prospective peut paraître utopique mais je suis persuadé qu’il vaut mieux avoir trop d’idées que d’en manquer.
Cette démarche a aussi pour but d’identifier ce que nous voulons pour notre territoire, comment l’organiser, quelles infrastructures de communications (routières, autoroutières, ferroviaires). Notre département a toujours trop subi, et fait de mauvais choix, par exemple en refusant en 1970 que le TGV s’arrête à Chartres. Le TGV passe en Eure-et-Loir mais ne s’y arrête pas…
Avec l’Assemblée départementale, nous procéderons à un tri de ces réflexions, car il ne faut pas non plus méconnaître notre capacité financière, mais il faut nous donner les moyens d’être ambitieux.
Je ne me démarque pas de certains de mes prédécesseurs en procédant ainsi, comme par exemple Albéric de Montgolfier qui va permettre à l’Eure-et-Loir d’être le second département de France, d’ici deux mois, à avoir 100% de son territoire fibré ! Y compris dans les habitations et les fermes les plus reculées de notre territoire.
Cette démarche permet aussi de montrer à nos partenaires, notamment l’État, qu’un département qui porte des projets peut susciter leur envie d’investir dans nos territoires.
Un des axes de votre mandat concerne également la préservation et valorisation du patrimoine.
Il faut pouvoir regarder d’où l’on part et quels sont nos atouts. Nous sommes un département peu dense mais doté de services publics partout sur notre territoire, et notamment départementaux. Je salue ici l’action de mes prédécesseurs Martial Taugourdeau et Albéric de Montgolfier d’avoir eu cette vision du maillage de notre territoire. Notre département est riche de 83 centres de secours.Notre département est également riche de nombreuses églises monumentales, ce qui fait que dans beaucoup de communes de notre département, vous pouvez rentrer jusqu’à trois fois la population communale dans l’église !Aujourd’hui, le plan église et petit patrimoine que nous lançons dès septembre a pour vocation de reconnaître la valeur de notre patrimoine, et s’appuyer dessus pour une politique de développement économique. Notre département est situé à une heure du centre de Paris, ce qui est un atout majeur !Le château de Maintenon, dont le département assure la gestion, accueille 75.000 visiteurs par an. Nous avons pour objectif d’augmenter ce nombre de visiteurs quand nous voyons que la cathédrale de Chartres, elle, représente plus d’un million de visiteurs.Cette mise en valeur de notre patrimoine ne peut se faire qu’avec un patrimoine vivant. Cela implique qu’il soit entretenu, et vecteur de développement économique.
Nous avons la chance d’avoir dans notre département un citoyen très engagé sur la question du patrimoine, Stéphane Bern. J’ai la chance de travailler en lien avec lui presque quotidiennement sur ce sujet qui me tient particulièrement à cœur.
La préservation du patrimoine coûte énormément d’argent aux collectivités. Une église paroissiale c’est plus d’un million d’euros par an d’entretien courant ! Mais c’est aussi vecteur de développement économique et touristique. Si l’on prend le village de Thiron-Gardais, Stéphane Bern y a acheté le collège royal, l’a restauré et l’a ouvert au public et cela a été vecteur d’ouverture de commerces ! La préservation du patrimoine génère donc du flux et de l’économie locale.
Autre exemple, l’action de Jean-Pierre Gorges à Chartres pour la restauration complète de sa ville, puis la création de Chartres en lumières qui a conduit à un cercle vertueux d’ouvertures de commerces de bouche et de terrasses.
Pouvez-vous nous présenter Boost emploi ?
Boost emploi est une superbe idée, mise en place il y a treize ans maintenant. Le postulat était que des entreprises n’arrivent pas à recruter, et nous avons des Euréliens qui aimeraient trouver du travail, ou qui travaillent en région parisienne. Mais ces deux entités ne se croisent pas forcément.Le dispositif a fort bien fonctionné. Je pense qu’aujourd’hui nous avons besoin de le réinviter, ou d’inventer autre chose, parce qu’on est plus du tout dans la même période. Notre besoin aujourd’hui est d’aider les entreprises à former des gens à venir chez eux ! Chaque entrepreneur que j’ai rencontré m’a confié ses difficultés à recruter du personnel ».
Je pense qu’il faut réformer aussi le système d’indemnisation du chômage car aujourd’hui nous avons des gens qui travaillent six mois le temps de charger leurs droits puis qui s’arrêtent : c’est inadmissible.
En Eure-et-Loir, nous avons à ce jour autant d’emplois à pouvoir que de chômeurs… !
Quel regard portez-vous sur le RSA ?
Concernant les bénéficiaires du RSA, j’ai coutume de dire que nous avons trois catégories de publics : un tiers d’accidentés de la vie qui ont besoin d’un accompagnement très soutenu pour un retour à l’emploi, un tiers de personnes un peu cabossées auxquelles nous devons donner un coup de pouce et un dernier tiers de personnes qui n’ont jamais travaillé et que nous devons acculturer au monde professionnel.
Nous avons constaté que vous avez augmenté votre budget d’aide aux communes. Pourquoi ?
L’aide aux communes est un dispositif lancé par Martial Taugourdeau, et c’est dans l’ADN du Conseil départemental d’Eure-et-Loir d’aider à l’investissement dans nos communes. Nous avons construit au fil des ans une véritable politique départementale, utile pour les communes et pour le département.
Nous sommes en train de réformer le fonds départemental d’investissement pour 2023. En 2022, nous n’avons jamais autant soutenu les communes : 12 millions contre 7,3 millions les années précédentes. Beaucoup de communes pendant la crise ont continué à investir, voire ont accéléré leurs investissements. Nous devons aussi faire face à une hausse du coût des matériaux et de la main-d’œuvre. Nous avons répondu présent pour pallier ces difficultés.
Nous avons aussi eu une bonne année 2021 sur le plan fiscal, ce qui nous a permis d’aider davantage nos communes.Comme nous l’avons évoqué précédemment, je suis très attaché à la préservation du patrimoine. J’ai donc demandé que pour cette année, les dossiers patrimoniaux soient traités à part : nous avons donc consacré un million d’euros supplémentaires sur la préservation du patrimoine. Nous avons fait la même chose dans le domaine de la biodiversité. 2022 est donc une année de transition devant une refonte majeure de notre dispositif d’aide aux communes pour qu’il soit plus efficace.
Votre Conseil départemental est à l’origine du programme Bourg-centre.Pouvez-vous nous le présenter ?
C’est un dispositif initié par mon prédécesseur, Claude Térouinard. L’interlocuteur principal du département est la commune, en lien avec l’État, le Conseil régional, et la Banque des territoires. Ainsi, on permet pour une commune de traiter l’ensemble des sujets avec l’ensemble des acteurs. De l’urbanisme, des concentrations des commerces ou encore de la mise en accessibilité pour ne citer que quelques exemples, mais la mobilisation de tout le monde et au même moment permet de traiter globalement ces thématiques. Un des exemples types concerne par exemple la commune de Senonches avec ses commerces. Il s’agit de rendre leurs étages habitables et accessibles. En effet, nombre de commerces situés en rez-de-chaussée sont dotés de logements dans les étages supérieurs car, avant, les commerçants logeaient au-dessus.
Ce n’est, aujourd’hui, plus le cas et on trouve un nombre important de logements vacants au-dessus des commerces faute d’accès indépendant. Cela nécessite des outils d’urbanisme, des déclarations d’utilité publique, mais nous y sommes parvenus à Senonches. Aujourd’hui, une trentaine de communes sont identifiées sur ce dispositif avec déjà vingt dont les études sont amorcées, voire le projet réalisé. Nous avons cinq nouvelles communes retenues en 2022 et cinq autres pour 2023. Une fois ces trente dossiers communaux traités, nous nous interrogerons sur une déclinaison de ce dispositif pour d’autres centre-bourgs. Ce dispositif a d’ailleurs donné l’idée au gouvernement de créer le dispositif Petites villes de demain.
Qu’attendez-vous des assises des Départements de France ?
J’attends que l’État entende que nous ne pouvons plus supporter des augmentations de charges alors que nous n’avons plus de liberté fiscale. Nous subissons ! Face aux augmentations du RSA et du point d’indice des fonctionnaires, sur l’avenant 43 des aides à domicile, un ensemble qui augmentent les charges de nos départements, le Gouvernement nous répond qu’il va remettre en œuvre le pacte de Cahors pour mieux contrôler nos dépenses… !
D’un point de vue plus personnel, comment est né votre intérêt pour la politique ?
En 1993, une amie de mes parents m’a emmenée à Dreux pour voir un meeting de Charles Pasqua. C’était extraordinaire, j’ai bu ses paroles, j’ai encore sa voix et certains de ses slogans en tête ! Ça m’a séduit. Il venait soutenir Gérard Hamel à l’occasion des élections législatives, à l’invitation de Martial Taugourdeau.
Naturellement, j’ai été particulièrement séduit par Jacques Chirac, et élevé au biberon du chiraquisme ! Voilà ce qui a fait naître mon envie de militer.
Ensuite, j’ai fait des études de droit public à Tours car j’avais pour ambition de diriger des collectivités, mais pas comme fonctionnaire. J’ai toujours voulu diriger une collectivité comme élu. J’ai pu faire un stage à l’Assemblée nationale auprès de Jean-Louis Debré, alors président du groupe RPR. C’est lors de ce stage que j’ai fait connaissance de mon député-maire d’alors, Gérard Hamel, et je lui ai fait part de mon souhait de m’investir à ses côtés pour notre ville. Il m’a ainsi mis en relation avec Jacques Lemare pour diriger sa campagne des élections cantonales en 2001 sur le canton de Dreux Ouest et nous avons gagné !
J’ai ensuite été sur la liste de Gérard Hamel pour les municipales, en 2001, puis en 2008, et en 2014, où je deviens adjoint au maire de Dreux.