Le Président de la République lors de la campagne électorale a relancé cette idée de conseiller territorial. Il avait été voté sous Nicolas Sarkozy puis supprimé par François Hollande. Avec une majorité très relative, cette réforme pourra-t-elle aller au bout ?
Plus que l’organisation territoriale, c’est la qualité du service rendu aux usagers qui nous préoccupe. L’objectif est donc de proposer l’organisation la plus adaptée. Cette efficacité prend racine dans les territoires. Ce sont les élus qui connaissent le mieux les besoins qui s’y rattachent. L’organisation doit tenir compte de cette proximité indispensable. Ce sujet n’a pas de couleur politique. Régions et départements ont une réelle utilité, c’est une meilleure articulation qu’il convient de trouver entre un échelon stratégique et celui des solidarités humaines et territoriales. Il faut y voir une volonté de rendre plus lisible l’action de nos collectivités et de favoriser la clarification des compétences.
Refaisons un peu d’histoire : j’ai participé aux votes sur le conseiller territorial quand j’étais sénatrice. J’y étais favorable à cette époque. Je suis très sensible à la proximité des élus avec nos concitoyens, à leur investissement de terrain et à la bonne articulation de l’action locale. Je pensais qu’il y avait là une réelle opportunité, en plus d’une simplification.
Par rapport à cette époque, le projet de réforme de Conseiller territorial intervient dans un contexte qui a beaucoup évolué. Pendant le quinquennat de François Hollande, le mode de désignation des conseillers départementaux a évolué, avec un scrutin binominal paritaire ; dans le même temps, la création de grandes régions a modifié le lien avec les territoires. Ma conviction c’est que le Département doit demeurer une collectivité de proximité. Son rôle durant les crises que nous avons traversées pendant le précédent quinquennat en témoigne, en particulier sur le volet social : il a une place essentielle.
En outre, c’est une collectivité très bien identifiée : élire un conseiller départemental, c’est voter pour un élu connaissant son territoire et ses habitants. Dans une période où il y a une abstention importante, le vote de proximité est à préserver ! En termes de méthode, la Première ministre a demandé que la concertation sur cette réforme, qui ne pourra pas être la même que celle votée en 2010, ait lieu en 2023, et qu’elle associe les collectivités territoriales concernées. Des concertations étroites seront menées avec l’ensemble des départements et régions de France. Notre enjeu est de clarifier l’organisation, de mieux articuler les rôles, mais de nombreuses options sont possibles. Il faut en discuter de manière approfondie et en prenant le temps nécessaire. Je peux d’ores et déjà assurer que le travail avec mes deux ministres de tutelle sera fluide et efficace.
Quel avenir pour les Départements ?
Les perspectives pour les Départements sont importantes. C’est une collectivité qui permet aux élus locaux d’avoir un lien de proximité pour apporter des aides financières ou techniques aux acteurs de terrain. Et c’est d’autant plus vrai avec les grandes Régions. Du reste, l’Etat a sa représentation au niveau départemental. Le couple Maire / Préfet et le couple Département / Préfet est fondamental : on a besoin de ces préfectures représentant l’Etat au niveau départemental. Par ailleurs, l’Etat est aussi présent sur le terrain via l’Agence nationale de la cohésion des territoires qui est un très bel outil, utile et efficace, pour rapprocher les élus locaux de l’Etat, et qui fournit aux départements un soutien précieux en matière d’ingénierie, dans le cadre de la contractualisation ou de soutien à des projets complexes, dans le domaine du numérique par exemple. Seulement deux ans après sa création, je constate son efficacité au quotidien.
On a entendu parler des 10 milliards d’économies demandés aux collectivités. Des contrats de Cahors, de l’encadrement du volume des dépenses de personnel. On a vu les propositions ou plutôt recommandations de la Cour des Comptes. Tout cela est un peu flou. Avez-vous des informations plus précises ?
Nous sommes en train de mener des concertations étroites avec l’ensemble des associations d’élus au sujet de ces questions de finances locales. Nous souhaitons parvenir à un accord global, qui donne de la lisibilité aux élus locaux. Le contrat de Cahors est un irritant. Le constat est désormais posé : cet instrument a vécu. Néanmoins, les collectivités doivent participer à l’effort de maîtrise des dépenses, et contribuer à respecter nos engagements en matière de finances publiques, tout comme l’Etat. J’entends que les départements ont commencé l’année en bonne santé financière. Grâce à la bonne gestion des exécutifs bien sûr, grâce au dynamisme du marché immobilier qui a soutenu les recettes des départements, mais aussi grâce à l’action du Gouvernement qui a soutenu les collectivités pendant la crise sanitaire .
Cependant, nous devons tous prendre notre part à l’effort national nécessaire. C’est un objectif de modération de la hausse des dépenses qui sera demandé. Pour définir les modalités de la participation des collectivités à l’effort budgétaire national, la concertation avec les associations d’élus sera essentielle. Notre ambition est de nous appuyer sur le sens des responsabilités de chacun, tout en tenant compte que chaque collectivité a des marges de manœuvre différentes. Nous devrons veiller à ce que les bons élèves ne soient pas pénalisés ; mais aussi à accompagner les collectivités qui ont des vulnérabilités particulières. Avec Christophe Béchu, Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, nous souhaitons construire ce nouveau partenariat avec les élus, pour que les engagements soient partagés et respectés. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’ils seront raisonnables et précautionneux.
La mise en application de la loi 3DS n’est pas encore pleinement achevée. Qu’en pensez-vous ?
Des décrets d’application interviendront prochainement. La loi 3DS répond à des demandes des collectivités qui veulent gagner en souplesse et en efficacité. C’est une réelle avancée, qui a été voulue par le Président de la République. Je tiens à souligner le travail de Jacqueline Gourault qui a réussi à faire voter cette loi et a effectué un travail de concertation exemplaire durant plus d’un an, dans toutes les régions de métropole et en outre-mer, ainsi qu’aux côtés du Parlement.
L’une des principales avancées est d’avoir inscrit la différenciation dans le code général des collectivités territoriales. C’est indispensable, car tous les départements, toutes les régions, n’ont pas les mêmes caractéristiques et les mêmes potentialités. Les territoires doivent pouvoir adapter la mise en œuvre de certaines politiques publiques en fonction de leurs spécificités. Si on prend l’exemple du portage du RSA, il y a des départements qui sont dans une démarche de recentralisation. Pourquoi pas ?
Aujourd’hui, je suis mobilisée pour que la loi 3DS soit appliquée et suivie, en lien avec les acteurs locaux. Aux lendemains de l’adoption du texte, priorité doit être accordée à sa mise en œuvre : je m’attacherai chaque jour à la porter avec mon administration, et à la déployer.
S’agissant de ce qui a été appelé le « RSA sous conditions », il y a des oppositions mais aussi des demandes d’expérimentation. Comment comptez-vous vous y prendre ?
Le ministre a rappelé que le RSA est un revenu de solidarité, c’est un droit. Cela n’empêche pas de rappeler que les allocataires se doivent d’être acteurs de leur parcours et qu’ils doivent s’inscrire dans une dynamique professionnelle. De son côté l’Etat et les départements ont la responsabilité de donner aux allocataires les moyens de retrouver un emploi ou de suivre une formation qualifiante. Dans la continuité des recommandations du rapport de la Cour des comptes de janvier dernier, la proposition d’activité de 15h/20h s’entend comme des heures durant lesquelles la personne travaille activement à son projet de réinsertion professionnelle, dans le cadre d’un accompagnement rénové des pouvoirs publics, hebdomadaire, personnalisé, intensif et assorti d’une allocation, tout en tenant compte évidemment de situations particulières qui pourraient justifier des exceptions légitimes à suivre ce programme. Aujourd’hui, près de 20 % des allocataires du RSA n’ont jamais été accompagnés ou mêmes orientés vers une structure d’insertion. Les allocataires du RSA doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement de qualité qui leur permette de retrouver rapidement une activité professionnelle.