Modifiant profondément l’organisation territoriale, la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dite loi Hortefeux prévoit le remplacement des conseillers généraux et des conseillers régionaux par un élu local, de type nouveau, le conseiller territorial, membre à la fois du conseil régional et du conseil général du département dont il est issu. Comme on le sait, François Hollande, sitôt son élection à la présidence de la République acquise, est revenu sur cette innovation institutionnelle. Après avoir annoncé la suppression des départements, tout en renforçant le rôle des métropoles, le pouvoir socialiste a renoncé à cette suppression et décidé de réduire à 13 au lieu de 22 le nombre de régions métropolitaines (y compris la Corse). Si les départements étaient maintenus, le mode de scrutin applicable à l’élection des conseillers départementaux, nouvelle appellation des conseillers généraux, était fortement modifié : le nombre de cantons était divisé par deux, sur la base d’un nouveau découpage devant remédier à l’inégalité de population préexistante entre les cantons ruraux et urbains, chaque canton étant représenté par deux élus, un binôme homme/femme. Comme l’histoire est un éternel recommencement, de bons esprits proposent aujourd’hui de revenir au conseiller territorial, lequel présenterait l’immense avantage de supprimer la concurrence entre les élus départementaux et les élus régionaux, tout en réduisant de façon significative le nombre d’élus. Cependant, ce qu’il était possible de faire dans le cadre d’une France métropolitaine de 22 régions, n’est plus envisageable dans le cadre actuel des 13 nouvelles régions, sauf à élire au scrutin indirect les conseillers régionaux. La démonstration de l’affirmation qui précède est simple à faire. Prenons, en effet, l’exemple des deux grandes régions que sont l’Auvergne-Rhône-Alpes et la Nouvelle-Aquitaine et de la représentation au sein de chacune d’entre elles des départements les plus ruraux qu’elles regroupent. Or, la jurisprudence qu’elle soit celle du Conseil constitutionnel ou du Conseil d’Etat, impose sinon une égalité stricte de représentation dans chacune des circonscriptions électorales, du moins l’obligation d’une représentativité minimale. Ainsi, la population d’une circonscription ne peut ni excéder 20% en plus de la circonscription moyenne, ni comporter plus de 20% d’électeurs en moins de cette même circonscription. C’est ainsi que le Conseil constitutionnel a censuré une première mouture de la loi Hortefeux créant le conseiller territorial en considérant que certains départements disposaient d’une représentation supérieure au sein du Conseil régional que celle à laquelle leur ouvrait droit leur population (Décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010). Le juge constitutionnel estime, en effet, « qu’il résulte des articles 1er, 24 et 72 de la Constitution que l’organe délibérant d’un département ou d’une région de la République doit être élu sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l’égalité devant le suffrage ; que, s’il ne s’ensuit pas que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque département ou région ni qu’il ne puisse être tenu compte d’autres impératifs d’intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée ». Concrètement, dans sa décision du 9 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a considéré que « dans la région Lorraine, le rapport du nombre des conseillers territoriaux du département de la Meuse à sa population s’écarte de la moyenne régionale dans une mesure qui est manifestement disproportionnée ; qu’il en va de même dans la région Auvergne, s’agissant du Cantal, dans la région Languedoc-Roussillon, s’agissant de l’Aude, dans la région Midi-Pyrénées, s’agissant de la Haute-Garonne, dans la région Pays de la Loire, s’agissant de la Mayenne, et dans la région Rhône-Alpes, s’agissant de la Savoie ; qu’ainsi la fixation du nombre de conseillers territoriaux dans ces départements méconnaît le principe d’égalité devant le suffrage ; qu’il s’ensuit que l’article 6 et le tableau annexé à la loi, qui constituent des dispositions inséparables, doivent être déclarés contraires à la Constitution ». C’est ainsi que le Gouvernement a dû revoir sa copie pour tenir compte de la censure du Conseil constitutionnel. Une nouvelle loi complétant celle du 16 décembre 2010, la loi n° 2011-871 du 26 juillet 2011 a fixé le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région après validation du nouveau découpage par le Conseil constitutionnel (Décision n° 2011-634 DC du 21 juillet 2011). On ne voit pas dès lors comment le législateur pourrait recréer le conseiller territorial, élu à la fois d’un département et d’une région, sans organiser un dispositif à deux étages dans lequel tous les conseillers départementaux ne seraient pas appelés à siéger au Conseil régional mais seulement une partie d’entre eux, plus ou moins importante selon les départements. Si l’on reprend les exemples du Cantal et de la Creuse, seuls 4 conseillers départementaux sur les 30 élus que compte chacun de ces deux départements, ce qui constituerait incontestablement un recul démocratique car cela signifierait que les conseillers régionaux issus de ces départements les moins peuplés de leur région respective seraient des élus au suffrage indirect. Les seuls moyens d’éviter cet écueil seraient : que les élections départementales et régionales interviennent soient fusionnées, l’élection se faisant au scrutin de liste, ce scrutin pouvant d’ailleurs être organisé dans un cadre départemental ou, comme c’est le cas aujourd’hui, régional ; et que, comme pour les élections des élus au conseil communautaire lors des élections municipales, les conseillers départementaux devant siéger au Conseil régional soient fléchés sur les bulletins de vote. Le grand inconvénient de ce système serait la fin des cantons, lesquels constituent une circonscription électorale permettant de rapprocher les élus des électeurs, ce qui est incontestablement un avantage dans la France des « Gilets Jaunes » où les administrés se plaignent de l’éloignement de leurs élus.
Le Conseiller territorial : l’avis de Bernard de Froment
Les premiers à l’avoir défendu sont anciens ministres de Sarkozy : Gerald Darmanin et Sébastien Lecornu. Le Modem y est aussi favorable et Jacqueline Gourault nous avait indiqué sa conversion tout en pensant qu’il fallait une dose de proportionnelle. Bernard de Froment, le spécialiste juridique du Journal des Départements analyse cette possible modification.
Si l’on part du postulat que tous les conseillers régionaux sont en même temps conseillers départementaux de leur département d’élection, les conseils départementaux du Cantal (Région AuRA) et de la Creuse (Nouvelle-Aquitaine) seraient administrés par 4 élus seulement.
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